Waruna Wimalaratne
Statistique Canada, Division des prix à la consommation
L’Indice des prix à la consommation (IPC) canadien est un indice à panier fixe de type Laspeyres dont les pondérations du panier sont périodiquement mises à jour. Le 27 mars 2013, le schéma de pondération de 2009 a été remplacé par un schéma de 2011. Il s’agit de la première fois de l’histoire de l’IPC canadien que les pondérations ont été mises à jour à un intervalle de deux ans.
Parce que sa pondération est fixe, l’indice de type Laspeyres présente généralement un biais vers le haut qui est attribuable aux substitutions de produits effectuées par les consommateurs. Dans le cas d’un indice à panier à quantité fixe, le phénomène se produit quand les consommateurs changent leurs habitudes d’achat à la suite de variations des prix relatifs. Par exemple, si le prix du poulet augmente nettement entre les mises à jour du panier, les consommateurs peuvent opter de remplacer le poulet par d’autres viandes comme le bœuf. Le cas échéant, un indice de prix de type Laspeyres à pondération fixe ne peut dûment tenir compte de ce changement de dépenses avant que les pondérations du panier ne soient mises à jour. Il peut en découler une surestimation de l’importance des variations du prix du poulet dans l’indice et, par conséquent, un biais vers le haut.
Un des aspects de l’initiative d’amélioration de l’IPC, un projet de cinq ans cherchant à améliorer la qualité de l’IPC, est de prendre en compte aussi rapidement que possible les changements dans le comportement des consommateurs et par conséquent de réduire au minimum l’effet de substitution. Pour ce faire, on met dorénavant à jour les pondérations du panier à des intervalles plus fréquents de deux ans, au lieu de l’intervalle de quatre ans qui était la pratique jusqu’à récemment.
La mise à jour du panier offre l’occasion de mesurer l’ampleur de l’effet des substitutions de produits dans les achats des consommateurs.
Un moyen simple d’estimer cet effet consiste à mesurer la différence entre les indices de prix de Laspeyres et de Fisher. La formule de l’indice de Fisher est la moyenne géométrique de l’indice de prix de Laspeyres pondéré en fonction de la période de base et de l’indice de prix de Paasche pondéré en fonction de la période courante. Ainsi, l’intégration symétrique et équilibrée des renseignements relatifs à la pondération des périodes de début et de fin pour lesquelles on dispose des données sur les habitudes d’achat des consommateurs permet de représenter plus fidèlement les habitudes de dépenses et d’éviter le problème de biais susmentionné. 1
Il convient de souligner que, malgré cette caractéristique souhaitable, il n’est pas faisable dans un environnement de production mensuelle contraint par le temps d’élaborer un IPC utilisant un indice de Fisher (ou tout autre indice à pondération symétrique) en raison des longs délais liés à l’obtention des pondérations de la période courante. Toutefois, on peut le calculer rétroactivement et avec un décalage à l’obtention des nouveaux renseignements sur les pondérations.
Il s’ensuit que l’indice de Fisher, une fois qu’il est calculé, peut servir de point repère ou de référence; il représente la trajectoire que l’IPC aurait suivie en l’absence d’effets de substitution. Il est possible de mesurer l’ampleur des effets de substitution au cours d’une période donnée en calculant la différence entre l'indice de Laspeyres à pondération fixe et l’indice de Fisher pondéré de façon symétrique.
Dans le cadre de la mise à jour du panier de 2011, on a estimé l’effet des substitutions de produits en calculant les indices pertinents d’après les pondérations de 2009 et de 2011 au niveau des classes publiées pour le Canada dans son ensemble. Les résultats sont présentés dans le tableau qui suit, avec ceux qui proviennent d’une comparaison des habitudes de dépenses de 2005 et de 2009 à titre de référence :
IPC d’ensemble : valeur de l’indice de Laspeyres | IPC d’ensemble : valeur de l’indice de Paasche | IPC d’ensemble : valeur de l’indice de Fisher | Effet de substitution annuel implicite vers le haut 1 | |
---|---|---|---|---|
Pourcentage | ||||
2005 – 2009 2 (2005=100) | 106,42 | 104,72 | 105,57 | 0,20 |
2009 – 2011 3 (2009=100) | 104,82 | 104,51 | 104,66 | 0,07 |
1. Le taux de substitution annuel implicite vers le haut se mesure par la différence entre les indices de Laspeyres et de Fisher, exprimée sous forme de taux de croissance par année. En raison de l’arrondissement, le calcul de l’effet de substitution annuel implicite vers le haut au moyen des valeurs indicielles du tableau ne donne pas nécessairement le chiffre de substitution annuel implicite vers le haut qui est présenté dans le tableau. 2. Il convient de souligner que le panier de 2009 a fait l’objet de certains ajustements à des fins d’harmonisation avec celui de 2005, surtout en raison de l’ajout de deux classes publiées en 2009.http://www23.statcan.gc.ca/imdb-bmdi/document/2301_D7_T9_V3-fra.htm 3. Dans la présente analyse, la composante du coût de remplacement par le propriétaire a été exclue des deux périodes parce que c’est le seul produit qui n’est pas une dépense directe, mais plutôt une valeur de dépense imputée. De plus, comme son mouvement de prix est imputé à partir de l’Indice des prix des logements neufs (IPLN), nous ne devrions pas nous attendre à une interaction importante entre les variations des prix et les variations des quantités. |
Les résultats révèlent un effet de substitution de produits de 0,07 % par an entre 2009 et 2011. Cet effet est nettement inférieur au biais annuel moyen vers le haut de 0,20 % qui a été observé entre les paniers de 2009 et de 2005. Cette différence fait ressortir les avantages des mises à jour plus fréquentes du panier. Les répercussions de l’utilisation d’un ensemble moins représentatif de pondérations sont amoindries par son remplacement plus fréquent.
Une analyse plus détaillée des composantes de l’IPC a révélé que les deux produits ou éléments qui contribuent le plus à la divergence entre les indices de Laspeyres et de Paasche étaient l’essence et les vêtements pour femmes. Ces deux produits ont affiché de grands mouvements de prix et des ajustements dans les quantités dans le sens inverse. De 2009 à 2011, les prix de l’essence ont augmenté de 31,0 %, alors que les quantités achetées ont diminué de 9,2 %. La demande d’essence est relativement inélastique, comme en témoigne l’élasticité de la demande par rapport aux prix de -0,36 de 2009 à 2011. Au cours de la même période, les prix des vêtements pour femmes ont diminué de 7,7 %, alors que les quantités achetées ont augmenté de 24,8 %, pour une élasticité des prix de -2,75. 2
Notes
- White, Alan G. “Measurement Biases in Consumer Price Indexes.” International Statistical Review 67.3 (1999): 301-325.
- En raison de l’arrondissement, des ajustements en fonction de la qualité et de la désaisonnalisation, les indices publiés peuvent différer des données internes. De 2009 à 2011, la série CANSIM publiée indique que les prix de l’essence ont augmenté de 30,9 % et que les prix des vêtements pour femmes ont diminué de 7,5 %. La principale source de données sur les dépenses pour l’IPC est l’Enquête sur les dépenses des ménages (EDM). L’EDM recueille des données sur les dépenses (prix*quantité). La variation des quantités a été calculée selon la méthode suivante : [1-((1/(P2009Q2009)(P2011Q2011)*(P2011/P2009))]. L’élasticité de la demande par rapport aux prix a été calculée selon la méthode du point milieu. L’utilisation des quantités et des prix moyens permet d’éviter que la valeur de l’élasticité ne varie selon que la variation des prix découle d’une augmentation ou d’une diminution des prix.