Hé-coutez bien! Épisode 12 - Dans un film sur l'économie, l'inflation est-elle le méchant? - Transcription
Annik : Bienvenue à Hé-coutez bien!, un balado de Statistique Canada qui nous permet de faire connaissance avec les personnes derrière les données, et de découvrir les histoires que révèlent les chiffres. Je suis votre animatrice, Annik Lepage. Les auditeurs de longue date du balado se souviendront peut-être que nous avons diffusé un épisode sur l'inflation et l'indice des prix à la consommation en janvier 2022. À ce moment-là, les dernières données nous indiquaient qu'en décembre 2021, l'IPC avaient augmenté de 4,8 % par rapport à l'année précédente.
Les deux années qui viennent de s'écouler ont été, si je puis dire, intéressantes. J'aimerais bien vous montrer un graphique de l'évolution du taux d'inflation au cours des deux dernières années. Mais comme les graphiques ne se traduisent pas bien en baladodiffusion, le son de ce sifflet coulissant vous donnera une idée de ce à quoi ressemblerait le graphique.
À ce point-ci, au moment de l'enregistrement, les données diffusées en février 2023 indiquaient que le taux d'inflation était de 5,2 %. Ce taux n'est pas le plus haut enregistré au cours de la dernière année, mais il est définitivement élevé. Il est plus haut qu'il y a un an, quand nous discutions déjà du niveau élevé de l'inflation. Cela m'a amenée à me demander : qu'est-ce qui fait qu'un taux d'inflation est élevé par rapport à ce qui serait un taux d'inflation idéal?
C'est à ce moment-là que j'ai réalisé que nous devrions probablement faire un autre épisode sur l'inflation, ne serait-ce que pour avoir l'occasion d'inviter un autre spécialiste de StatCan.
Je vous remercie d'être ici avec nous. Pouvez-vous vous présenter?
Guy : Certainement. Je suis Guy Gellatly, conseiller économique principal à la Direction des études analytiques ici à Statistique Canada.
Annik : Pourriez-vous nous parler, de façon générale, de l'économie et de l'inflation?
Guy : Eh bien, nous sortons d'une période extraordinaire, évidemment, avec la pandémie. Et les deux dernières années ont vu une augmentation assez continue des pressions inflationnistes, dans différents segments de l'économie. Et c'est en quelque sorte la toile de fond pour une grande partie du discours économique. Il est certain qu'une grande partie de la réaction de la part des ménages et des entreprises est de savoir comment faire face, vous savez, à ces taux d'inflation élevés et à ce qu'ils signifient, au bout du compte, pour les dépenses des consommateurs et les investissements des entreprises et de multiples autres activités économiques.
Annik : Bien sûr, nous constatons une forte inflation, ce qui cause beaucoup de stress à bien des gens. Donc, si je voulais tourner un film sur l'économie, l'inflation serait-elle le méchant?
Guy : Eh bien, l'inflation élevée est habituellement le méchant. Il n'y a aucun doute là-dessus.
L'idée derrière la politique monétaire et, par exemple, ce que la Banque du Canada tente de faire avec sa cible d'inflation est de maintenir un taux d'inflation faible, stable et prévisible. Et c'est ça l'idée derrière une cible de 2 %. C'est en quelque sorte le point médian entre leur fourchette de contrôle de 1 % à 3 %.
L'idée ici est donc de donner confiance aux ménages et aux investisseurs qui doivent prendre des décisions encourant leurs dépenses et leurs investissements, et ils veulent être certains que la valeur de cet argent, leur argent durement gagné est préservé au fil du temps. C'est ça l'idée, assurer une sorte de stabilité et de prévisibilité, lesquels peuvent être votre ami, mais dans un environnement inflationniste élevé, il peut être difficile d'y arriver.
Annik : Alors, nous connaissons certainement les inconvénients de l'inflation, mais pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les avantages dont vous parlez?
Guy : Eh bien, c'est la distinction entre une certaine inflation et une inflation élevée. On veut une certaine inflation, et c'est l'idée de cette cible de 2 %. On va l'a garder au point médian de ce que la banque appelle sa fourchette de contrôle, ou près de ce point.
Donc, l'idée est qu'on veut une certaine inflation, une certaine pression à la hausse sur les prix. C'est en quelque sorte essentiel au bon fonctionnement de l'économie. On veut quelque chose qui est propice à la croissance de la production, à la croissance de la productivité, à la croissance des salaires et à la création d'emplois, et tout cela, ce sont les bonnes choses dont nous aimons parler.
Un environnement inflationniste stable et faible ne signifie pas qu'il n'y a aucune inflation, et nous pouvons en parler plus tard, mais une sorte de croissance stable des prix est généralement considérée comme très, très favorable à ces objectifs. C'est donc là l'idée.
Annik : Vous dites que nous sortons d'une période extraordinaire en ce moment. Pour quelqu'un qui n'a pas étudié en économie, où se situe notre inflation actuelle ou l'inflation que nous avons observée au cours de la dernière année, où se classe-t-elle?
Guy : Bien, certainement pour ceux d'entre nous qui sommes plus jeunes, et je ne suis plus nécessairement l'un de ceux-là, il s'agit du taux le plus élevé que nous avons vu depuis un certain temps. Si vous remontez au début des années 1980, nous avons eu une inflation à deux chiffres pendant un certain temps. C'était avant les politiques d'inflation ciblée que la Banque du Canada a adoptée au début des années 1990.
Vous savez, nous avons déjà eu des taux d'inflation très élevés auparavant. Maintenant, nous le voyons pour la première fois en une génération ou deux, alors c'est un peu un choc. Et la chose au sujet de l'environnement inflationniste actuel, c'est qu'il est très, très généralisé. Donc, ce n'est pas juste une chose. Nous parlons souvent de la dynamique des prix de l'essence et de sa contribution à l'inflation.
Mais ici, on a des pressions qui proviennent de l'essence, des aliments, du logement, de beaucoup de biens de consommation durables et de dépenses de consommation. On constate une forte croissance des prix dans l'ensemble. Et c'est ça le défi que doivent relever de nombreux consommateurs.
Annik : Je ne pense pas que les gens ont besoin qu'on leur parle des défis d'une inflation élevée. Cela signifie que leur argent ne va pas aussi loin lorsqu'ils veulent faire des achats. Mais que se passerait-il si l'inflation était nulle? Pourquoi ne serait-ce pas idéal?
Guy : Eh bien, la réponse classique est une spirale déflationniste. L'idée ici est que pour vous, les attentes comptent. Si les gens sont convaincus qu'ils vont voir des baisses de prix continues et soutenues sur une longue période, ils vont retarder leurs dépenses maintenant. Il y a donc un énorme délai dans leurs dépenses, et cela peut avoir des effets vraiment néfastes sur l'économie à court terme en matière de baisse de la production et de hausse du chômage.
Annik : C'est ce qui arriverait si l'inflation baissait. Mais que se passerait-il si tous les prix restaient les mêmes?
Guy : C'est ça le problème, vous savez, vous ne serez jamais dans un monde où tous les prix resteront les mêmes.
Les prix sont le reflet des conditions de l'offre et de la demande. Et ces conditions changent continuellement, vous savez? Si on regarde l'expérience des deux dernières années, on voit dans quelle mesure cela peut changer rapidement. Vous savez, tant du côté de la demande, nous sommes sortis de la pandémie et les gens ont commencé à dépenser davantage, car nous étions tous coincés dans nos sous-sols. Il existe donc une demande réelle de sortir et de dépenser.
Et vous savez, le thème récurrent des deux dernières années, en ce qui concerne l'inflation, a été toutes les contraintes du côté de l'offre. Il est tout simplement difficile de déplacer les choses en raison des perturbations et des pénuries liées aux puces informatiques et ainsi de suite. Cela a créé de réelles tensions du côté de l'offre, et cela se répercutera aussi dans les prix à un moment donné.
Vous avez donc une pression à la hausse provenant de la demande élevée, et une certaine pression à la hausse sur l'inflation provenant de la baisse de l'offre. Et cela crée certains des taux que nous avons observés au cours de la dernière année.
Annik : Vous avez utilisé un terme plutôt effrayant : spirale déflationniste. Pouvez-vous nous parler de ce qui se passe si l'inflation devenait négative?
Guy : Eh bien, c'est une question d'être dans le négatif pendant une période soutenue, et puis les gens se disent, oh, pourquoi dépenser mon argent maintenant si les choses vont juste être moins chères plus tard?
Ce que vous ne voulez pas faire c'est de vous enfermer dans un raisonnement comme celui-là, parce que vous savez alors que vous allez potentiellement causer des dommages réels à l'économie à court terme. Les gens ne vont pas dépenser, s'ils sont convaincus qu'ils feront une meilleure affaire dans un mois, deux mois, trois mois, et cela mène en fait à une demande moindre et à des prix plus bas.
Alors l'idée de la spirale, c'est ce qu'ils essaient d'éviter. L'objectif ici est la stabilité et la prévisibilité, accompagnées d'une certaine inflation qui est généralement propice à la croissance économique, à la productivité et à la croissance des revenus.
Annik : Parlons donc de ce taux d'inflation idéal. Vous avez parlé de 2 % plus tôt, ou de 1 % à 3 %. D'où viennent ces chiffres? Et pourquoi est-ce le meilleur chiffre?
Guy : Vous savez, c'est ce qui est convenu. Il y a une entente sur le ciblage de l'inflation que la Banque du Canada examine tous les cinq ans avec le gouvernement du Canada. Et c'est depuis longtemps le taux cible, ce point médian de cette fourchette de 1 à 3.
Et c'est ce qu'ils considèrent, évidemment, comme le meilleur taux pour soutenir le genre d'activité économique et d'activité sur le marché de l'emploi que nous aimerions voir. Vous savez, cette cible peut être révisée. Il n'y a pas un chiffre précis qui fonctionne en tout temps, bien que la cible ait été de 2 % depuis un bon bout de temps, au Canada et dans de nombreux autres pays. La Réserve fédérale américaine en est le meilleur exemple.
Alors oui, ils examinent certainement la cible. Il ne s'agit pas d'une solution mécanique où une taille unique convient en tout temps. Ils vont l'examiner périodiquement et déterminer quel est le taux optimal, du moins à court ou à moyen terme. Et ils ajusteront leur politique monétaire conformément pour atteindre cette cible. Mais du plus loin que je m'en souvienne, la cible a été de 2 %. Donc, lent, stable et prévisible : c'est ça l'idée ici.
Annik : Est-ce que chaque économie vise un taux d'inflation de 2 %? Et est-ce qu'il y a des exemples d'économies qui ne visent pas un taux d'inflation de 2 %? S'agit-il d'un chiffre universel?
Guy : Vous savez, je ne sais pas s'il s'agit d'un chiffre universel. Il est certainement un chiffre commun pour la plupart des banques centrales et des autorités monétaires dans le monde occidental. Il s'agit simplement de voir que c'est le genre de position qu'un grand nombre d'entre elles adopteront.
Ce serait amusant de faire un retour en arrière et de se demander, vous savez, comment on en est arrivé à cette cible de 2 % et à quoi ressemblerait vraiment l'évolution de la politique monétaire en cours de route. Mais l'idée ici, et c'est un point très important, est de donner aux consommateurs, aux ménages et aux investisseurs confiance que la valeur de leur argent va être préservée, tout en étant très explicite sur cet objectif et en fournissant des renseignements en temps réel sur la façon dont ils voient l'économie évoluer à court terme. Cela vous donne beaucoup de confiance en tant que personne qui doit maintenant dépenser de l'argent. C'est comme, OK, est-ce une chose raisonnable à faire? Ai-je confiance que l'inflation va revenir dans cette fourchette?
Et donc les banques centrales, ici et à l'étranger, donneront beaucoup de signaux pour communiquer leurs attentes, à vous et à moi, et puis c'est évidemment bon pour l'économie dans son ensemble.
Annik : Si on veut en savoir plus sur l'inflation, où peut-on se renseigner?
Guy : Premièrement, vous pouvez aller sur le site Web de Statistique Canada pour consulter l'Indice des prix à la consommation qui est publié mensuellement. C'est l'indicateur de l'inflation totale.
Et il y a aussi toute une série de travaux analytiques qui ont été produits au fil du temps par la Division des prix à la consommation et d'autres au sein de l'organisme, qui nous aident à comprendre la dynamique de l'inflation et ce qui l'alimente et quels sont certains des principaux enjeux liés à la mesure. Il s'agit d'un bon endroit pour commencer.
La Banque du Canada aussi, si vous vous intéressez au ciblage de l'inflation, à la façon dont cela fonctionne et à la façon dont la politique monétaire est menée pour que vous sachiez que l'économie fonctionne sur une base efficace et solide. C'est l'endroit où aller. Ils ont un certain nombre de documents où ils décrivent en quelque sorte leur façon de penser et les outils à leur disposition.
Annik : Parfait. Merci beaucoup.
Guy : Merci!
Annik : Vous avez écouté Hé-coutez bien! Nous remercions notre invité, Guy Gellatly. Vous pouvez vous abonner à cette émission à partir de tout endroit où vous écoutez vos balados. Vous pouvez également y trouver sa version anglaise, appelé Eh Sayers. Si vous avez aimé cette émission, merci de la noter, de fournir un commentaire et de vous y abonner. Il s'agit du dernier épisode de la troisième saison. Nous aimerions profiter de l'occasion pour tourner les feux du projecteur vers les nombreuses personnes qui contribuent à l'émission en coulisse.
Nous remercions les spécialistes de Statistique Canada et les nombreuses autres équipes qui rendent l'émission possible. Un remerciement spécial à Tom Thompson pour ses précieux conseils. Le soutien à la production est assuré par Janelle Bah et Gillian Bridge. L'équipe de la production de vidéos est constituée de Tony Colasante, Martin Charlebois, Jessie James McCutcheon et Mitch Lawson. L'ingénierie audio est assurée par Max Zimmerman. Le logo a été créé par Vincenzo Germano. Merci à Marc Bazinet d'avoir dirigé ce navire. Je m'appelle Annik Lepage, j'ai été votre animatrice et je vous remercie de m'avoir écoutée.
Sources
Statistique Canada. « Le Quotidien — Indice des prix à la consommation, février 2023. », Gouvernement du Canada, le 21 mars 2023. Indice des prix à la consommation, février 2023.