Des études portent à croire que le Canada pourrait avoir un problème de zombies! Non, il ne s’agit pas de ceux du genre à vous dévorer le cerveau; on parle plutôt d’entreprises zombifiées, qui rongent la productivité nationale, restreignent les salaires et freinent la croissance d’entreprises saines.
Le terme « entreprise zombie » a été créé pour décrire les entreprises peu performantes de l’économie japonaise, dans le sillage de la bulle spéculative des années 1990, lorsque des entreprises moribondes ont été maintenues en vie grâce à des prêts consentis par les administrations publiques et les banques. Les entreprises zombies peuvent être définies comme des entreprises qui enregistrent un faible rendement pendant une longue période, mais qui ne font pas faillite.
Certains ont avancé que le Canada est le pays comptant la plus grande proportion d’entreprises zombies au monde. Toutefois, selon les constats d’une nouvelle étude, 5 % à 7 % des entreprises canadiennes remplissent les critères d’une entreprise zombie, et les entreprises cotées en bourse sont les plus susceptibles d’être zombifiées, leur proportion allant de 18 % à 36 %.
Ainsi, le Canada se plaçait au milieu du peloton mondial en 2013, loin derrière la Grèce (16 %) et l’Espagne (10 %), mais devant d’autres économies avancées comme l’Italie (6 %), la Grande-Bretagne (4 %) et la France (2 %).
Bien que l’on trouve des entreprises zombies dans toutes les industries au Canada, c’est dans le secteur de l’extraction minière et de l’extraction de pétrole et de gaz (11 %) qu’elles étaient les plus répandues en 2019, surtout parmi les sociétés cotées en bourse, dont jusqu’à la moitié étaient zombifiées. Ces deux proportions ont beaucoup augmenté au fil du temps, s’étant pratiquement multipliées par deux depuis 2002.
Ces constats donnent à penser que la composition sectorielle des entreprises zombies se concentre de plus en plus dans le secteur très instable des produits de base, où les grandes fluctuations de prix sont monnaie courante. Étant donné l’importance des investissements fixes dans ce secteur, il peut être optimal pour les entreprises de continuer à fonctionner comme des zombies en prévision des hausses des prix.
La zombification est un processus très persistant. En effet, plus des deux tiers (69 %) des entreprises zombifiées le restent d’une année à l’autre. Il est relativement rare pour une entreprise de perdre le statut de zombie, puis de l’obtenir de nouveau, ce qui laisse entendre que les entreprises peuvent être prises dans un état perpétuel où elles ne font pas faillite, mais ne se rétablissent pas non plus.
Si la proportion d’entreprises zombies au Canada a diminué depuis 2011, leur rendement par rapport aux entreprises saines a aussi baissé, alors que les ressources qu’elles consomment ont augmenté. L’étude révèle que la présence grandissante de zombies dans une industrie a une incidence négative sur la productivité et la croissance des entreprises saines. L’accaparement de la main-d’œuvre par les entreprises zombies est tout particulièrement contraignant pour les entreprises saines, ce qui signifie que les zombies pourraient exacerber les pénuries de main-d’œuvre.
Compte tenu de la pénurie de main-d’œuvre qui subsiste au Canada, pendant que le pays se remet de la pandémie, les entreprises zombies pourraient miner la capacité des entreprises saines à se rétablir. L’étude montre qu’une augmentation de la part du capital industriel (masse salariale) des zombies a fait baisser la productivité du travail, productivité totale des facteurs, la croissance du capital et la croissance de la masse salariale des entreprises saines.
En plus de réduire la productivité des autres entreprises, les entreprises zombies elles-mêmes s’en tirent de moins en moins bien. En effet, l’étude révèle que par rapport aux entreprises saines, le rendement et la productivité des entreprises zombies affichent des reculs marqués, leur productivité relative ayant fléchi d’environ 10 % depuis 2002.
En comparaison avec d’autres pays, l’écart de productivité entre les entreprises zombies et les entreprises saines au Canada semble plus important, ce qui laisse entendre que les entreprises zombies au Canada sont tout particulièrement en mauvaise santé.
Comme ces entreprises zombies accaparent aussi des ressources, elles réduisent de plus en plus la productivité agrégée au Canada, l’ayant fait reculer dans une proportion allant jusqu’à 5 % en 2019. Cette importante perte de productivité est attribuable à ces entreprises qui ne sortent pas de l’économie canadienne.
Le rapport complet, intitulé « Les entreprises zombies au Canada », est maintenant accessible dans le cadre de la série Rapports économiques et sociaux.
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